-35 °, l’air est tellement froid qu’il parait compact. En plein affût, couchée dans la neige sous un ciel de givre, j’observe les yacks qui reposent imperturbables face au vent dans leur fourrure stalactite. Seules les fumerolles qui s’échappent de leurs naseaux m’indiquent qu’ils sont vivants et qu’un magma de muscles et de sang pulse encore dans cette gangue de laine glacée.
Après « Un été avec Homère », je lis « La panthère des neiges » de Sylvain Tesson, qui retient mon souffle au Tibet.
Les grands plateaux désertiques à peine recouverts d’herbes sèches, la montagne souveraine, les espaces démesurés où l’œil se perd, tout est si bien décrit que je frissonne. Malgré le froid et la dureté de ces terres, j’aimerais me glisser entre les deux compères, le taiseux immobile (Munier le photographe), le bavard gesticulant (Tesson l’écrivain voyageur), pour attendre ensemble sans respirer ou à peine, l’apparition de l’hypothétique et fantomatique panthère.