Auteure ou auteur ?
Les femmes revendiquent le droit d’apparaitre dans leur genre dans leur profession après avoir été invisibilisées depuis toujours, et c’est formidable que cela arrive enfin. Alors pourquoi je me qualifie comme auteur et pas auteure ? Ceux qui me connaissent ont déjà leur réponse. Pour les autres qui me posent la question, j’éclaircis ce mystère.
Quand j’étais petite, on disait de moi que j’étais un garçon manqué. Je détestais les jupes, je n’aimais que les jeux de garçons. Avec ma sœur nous jouions aux cowboys ; mon premier achat avec mon argent de poche fut un circuit électrique d’engins de chantier. Je voyais bien que physiquement j’étais une fille, en grandissant le regard des garçons sur ma silhouette confirmait la chose, mais l’univers réservé aux filles de l’époque était pour moi trop réducteur. Je ne voulais pas trancher pour un sexe qui se voyait limité dans ses activités.
Je suis ensuite rentrée dans une espèce de normalité par obéissance sociale et manque de modèles singuliers autour de moi. Attirée physiquement par les garçons, je me rangeais ensuite sagement dans mon genre.
Mais je pratiquais la plongée, le parapente, le parachutisme, le vtt, l’équitation western, la plongée en scaphandre, l’escalade, le krav maga, à une époque où les femmes étaient rares. On continuait à me dire que j’étais un garçon manqué, mère de deux enfants je ripostais alors par un pied de nez en disant que j’étais plutôt une femme réussie.
Mais aujourd’hui, force est de constater que je ne sais toujours pas ce que c’est de se sentir femme. Cette question reste pour moi une énigme. Je sais que je suis une femme, mais je n’en ressens pas l’effet, voire même l’utilité. Je n’ai pas envie de trancher, personnellement ça ne m’intéresse pas. Et je trouve ça même réducteur. Je me considère comme un être humain, qui a par moments des comportements masculins et à d’autres moments des comportements féminins. Je trouve aujourd’hui que c’est la voie de ma liberté.
Je me pose souvent la question de ce que donneraient des enfants sauvages grandissant sans adultes, et non conditionnés socialement sur le genre. Je pense que la frontière comportementale serait vraiment ténue. Et l’harmonie entre les sexes ne serait-elle pas plus simple ? Raccourcissant le chemin d’entente et de compréhension entre les deux ?
Je pense ici à ma nièce devenant peu à peu mon neveu. Je trouve que l’être libéré qui se dévoile est d’une richesse absolue. Un parfait mélange de force et de sensibilité. Notre chainon manquant ? Une porte ouverte à plus de compréhension et respect mutuels, abolissant les frontières ? Quoi qu’il ou elle est, je l’adore dans son entièreté.
La jeunesse qui émerge nous pousse dans nos retranchements et fait bouger les lignes de nos certitudes. Et c’est bien. Nous avons tout à gagner à nous interroger.
Je conclurai en résumant de cette façon : amour de soi tel qu’on est, respect des autres tels qu’ils sont, et vous genrez ça comme vous le souhaitez.