L’appel du désert
Je repars, c’est décidé.
Un grain de sable s’est insinué dans le rouage huilé de mes habitudes, me rappelant qu’il est temps de faire un pas de côté. S‘abstenir du monde, s’abstraire tout court, pour trier le grain de l’ivraie, et revenir à l’essentiel.
Ce petit pas de côté c’est le désert qui me le propose depuis quelques années, lors de méharées chamelières, en trek de quinze jours en compagnie de Touaregs.
Le programme est simple, pas compliqué : marcher devant soi six à sept heures par jour, bivouaquer à la belle étoile, compter les étoiles filantes un court instant et aussitôt s’endormir harassée d’une divine fatigue.
Repartir le lendemain, dans une errance lancinante en traversant des paysages arides sublimes et désertiques sous un soleil de plomb. En allant tout droit voir tourner son ombre autour de soi, seul décompte du défilé du temps.
Partager ce quotidien avec quelques camarades bienveillants, triés sur le volet au fil des années, résistants et avides comme moi de simplicité radicale.
Se faire guider par notre guide touareg, d’une élégance de prince vêtu d’oripeaux, à peine chaussé de sandales recousues, mais d’une dignité et noblesse à faire frémir un roi.
Rire avec les jeunes chameliers, camarades de route si joyeux. Partager la simplicité. S’émerveiller de tout et de rien :  du bleu de la carapace d’un scarabée, du cercle que dessine une brindille autour d’elle sur le sable quand tourne le vent, de la rosée veloutée qui scintille sur son duvet au matin, de l’ombre des chameaux sur les dunes, des mains brunes et longues qui périssent la pâte du pain qui sera cuit dans le sable, de l’eau précieuse qu’on transporte religieusement pour ne gâcher aucune goutte, du silence si profond que le vol d’une mouche résonne comme un bombardier.
Comme à chaque fois je reviendrai du désert, un peu sonnée, lavée, rincée, écourtée de l’inutile. Vibrante du seul nécessaire.